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Cinq-cent-mille dollars étaient-ils  le coût de la liberté ? Pour les deux jeunes sœurs Petrov, plus que jamais, c'était le cas. A ce moment précis, elles avaient en leur possession, la moitié de cette somme.

     Les simples vols et le deal de drogues ne suffisaient plus. Obtenir plus de deux-cent-mille dollars par le biais de ces activités allait prendre des mois et peut-être même des années. Mais les deux sœurs n’avaient plus le temps. Et le temps les rapprochaient un petit peu plus de leur mort certaine. Il n'était qu’une question de temps avant qu’elle ne se rende compte de tout. Qu'elle sache que Kenzie et Nat étaient au courant de qui elle pouvait être en réalité. C'était alors qu'elles ont décidé de passer un grade au-dessus. McKenzie, depuis son plus jeune âge, avait toujours été friande des jeux de cartes comme le poker  : pour la simple raison qu'elle gagnait toujours. Elle n'était pas une tricheuse, mais simplement, une bonne bluffeuse. Presque toute sa vie, on lui avait appris que mentir était la meilleure façon de survivre. Qu'il fallait qu'elle sache comment retourner la situation à son avantage, qu'elle sache contrôler ses  émotions,  qu'elle  montre  d'elle  ce que  les  gens  veulent  voir d'elle.  Qu'il

fallait qu'elle contrôle chacun de ses geste, la moindre de ses expressions car la moindre erreur pourrait lui être fatale. Qu'il ne fallait pas qu'elle ait de peine ni de regrets en manipulant les gens car les regrets et les peines ne pouvaient qu'affaiblir la personne et la fine stratège qu'elle était. La personne qui lui avait conseillé tout ça aurait dû se taire. Et c'était cette manière de faire et d'être qui avait amené McKenzie à fréquenter les cercles de poker illégaux. Dans ce genre d'affaires, en général, des sommes importantes d'argent étaient en jeu. Kenzie n'était âgée que de dix-huit ans à cette époque, mais encore jamais, en plus d'un an, elle n'avait trouvé d'adversaire à sa taille. C'était alors en très peu de temps qu'elle gravissait petit à petit les échelons dans tout ce monde du poker illégal : commençant par des petites tables dans lesquelles la cave s'élevait à cinq-cent dollars, puis mille, cinq-mille, dix-mille, vingt-cinq-mille, cinquante mille... C'était bien dans une table où la cave s'élevait à cent mille dollars que la plus jeune des sœurs Petrov allait jouer. Sur la table, durant cette soirée, elle pouvait faire un gain de deux-cent-mille dollars. C'était une occasion inespérée et pour elle, rien n'allait se jouer au hasard.

 

Tout se déroulait dans une maison, se trouvant de le Comté de Nassau, à l'Est de New York.

     Enfin arrivée sur le lieu de la partie de poker, c'était Natalia, ayant réussi à s'être infiltrée comme hôtesse, qui avait accueilli Mckenzie et l'avait escorté jusqu'à la pièce où tout allait se jouer. Lorsqu'elle fut arrivée autour de la table, c'était à sa grande surprise qu'elle fit face qu'à un seul homme. Un homme qui devait avoir à ce moment-là trente-trois ou trente-quatre ans. Il possédait des cheveux couleur jais, lisses et bien coiffés vers l'arrière et un regard bleu profond, semblable aux grandes profondeurs de la méditerranée. Un regard qui semblait pouvoir lire en les gens comme dans des livres ouverts, comme s'il connaissait chaque personnes qu'il croisait jusqu'au tréfonds de leur âme rien qu'en ayant posé une seule fois ses iris sur eux. Néanmoins, c'était sans un mot et ne se laissant guère impressionner par cet illustre personnage que notre McKenzie s'installa en face de cet homme, qui lui, n'avait pas quitté la jeune femme du regard depuis son arrivée. Peut-être bien qui'il était interloqué par le gabarit de la jeune Petrov et par l'attitude de celle-ci. En effet, elle se montrait assez nerveuse, par sa manière de déglutir, replacer d'un geste qui semblait incertain une de ses  mèches rebelles derrière son oreille, triturer ses mains... par ses pas presque hésitants et sa manière presque maladroite de s'asseoir... Elle voulait que les personnes en face d'elle se demandent ce qu'une fille de ce genre pouvait bien faire là. Et pourtant plus que jamais, Kenzie était sûre d'elle.

      Après environ cinq minutes d'attente qui parurent être une éternité, le troisième joueur n'était pas encore arrivé. C'était alors qu'enfin, elle posa ses yeux émeraude sur l'homme en face d'elle, avant de prendre la parole :

«— Où est le troisième joueur ? osa-t-elle demander, de sa voix clair.

— Je me demande la même chose, dit-il tout en faisant un signe à un homme qui se trouvait à l'entrée de la pièce. Esfir, c'est comme ça qu'on t'appelle dans le milieu ?

— Oui.

— Moi, c'est N°0. On m'a beaucoup de toi, c'est pour ça que j'ai voulu que tu sois autour de ma table, ce soir. Je suis sûr que la soirée sera très intéressante et encore plus enrichissante pour l'un d'entre nous.

   — Je... je n'en doute pas non plus. finit-elle par répondre, d'une voix calme. »

     A sa grande surprise, c'était presque instantanément après avoir répondu, que le troisième et dernier joueur fit son apparition. C'était étrange, mais son visage... Son visage lui était familier. Elle connaissait cet homme, ou tout du moins, elle avait déjà croisé sa route auparavant. C'était il y avait très longtemps, peut-être même à l'époque où elle vivait encore en Russie. A ce moment précis, McKenzie était incapable de le dire. Et à ce moment précis, elle s'était retrouvée réellement déstabilisée. Cet homme lui-même sembla presque esquisser un mouvement de recule en voyant le visage de McKenzie. Mais c'était grâce aux paroles de ce fameux N°0 qu'elle se souvint. «On a presque faillit t'attendre, Henderson.», avait-il dit. Henderson ? C'était alors qu'elle se souvint. Onze ans en arrière, Kenzie n'avait que sept ans et Natalia quatorze. Et pourtant elle se souvenait de cet après-midi comme si c'était la veille. Le sang, les hurlements, les larmes, la douleur, le chagrin, le désespoir, la mort, le départ de Russie... la traîtrise. Oui, de ça McKenzie s'en souvenait et cette fois-ci, elle n'avait pas pu s'empêcher de se retourner, et de regarder Natalia. Elle aussi avait compris, elle aussi l'avait reconnu, Kenzie l'avait lu dans ses yeux. Et peut-être bien que ce Henderson avait pris quelques rides, mais cela n'empêchait en rien le fait qu'elle se souvenait maintenant parfaitement de son visage et dans quel contexte elle avait pu le voir. C'était alors que McKenzie en vint à se demander : "Et s'il était encore avec elle,  si Jekaterina était au courant de tout, finalement ? Et ce N°0, était-il aussi au courant de ce qu'il s'était passé ? Est-ce qu'il était aussi de leur côté ?!". Elle était alors envahie par la haine, la colère, la tristesse et l'incompréhension. Tant d’émotions fortes, qu'elle ne pouvait en aucun cas refouler, qui finirent par lui arracher de vraies larmes. Des larmes pleines de tristesse et de haine qui n'avaient plus coulées sur ses joues depuis des années. Sans réfléchir, elle se saisit du couteau de chasse qu'elle cachait dans une de ses bottes, avant de le pointer sans hésitation vers Henderson et de prendre la parole :

«— Tu te souviens de moi ? Putain, est-ce que tu te souviens de ce que tu m'as fait et de ce que tu as fait mes parents ? J'étais peut-être qu'une gamine, mais je n'ai pas oublié, s'écria-t-elle en essuyant du revers de sa main libre les larmes qui coulaient sur ses joues. Henderson, c'est ça ?! Tu avais dit que tu finirais par nous retrouver ma sœur et moi, que tu finirais par nous tuer à notre tour, lorsqu'on sera un peu plus vieilles...  Je ne sais pas si tu t'attendais à me revoir aujourd'hui, mais je jure que tu ne sortiras pas de cette maison, ni de cette table en étant vivant ! »

     C'était la main tremblotante et les yeux toujours aussi imbibés de larmes qu'elle faisait face à cet homme qui avait détruit une partie d'elle. Comptait-elle vraiment le tuer ? Avait-elle vraiment le cran de le faire de ses propres mains ? Non. Elle n'en était pas capable, malgré le fait que voir cet homme enterré était l'une des choses qu'elle voulait le plus au monde. Alors, Kenzie finit par lâcher son arme, poser ses mains à plat sur la table et baisser son regard cherchant à retrouver son calme. Jusqu'au moment ou elle l'entendit prendre la parole :

« — Tu es bien la fille Petrov, je ne m'étais pas trompé en te voyant ? Ah, c'est fou comme tu peux ressembler à ta mère et comme 'Katerina n'est pas efficace pour exécuter les tâches qu'on peut bien lui donner, dit-il en ayant un fin sourire dessiné sur le creux de ses lèvres. Et au risque de te surprendre, McKenzie, si je me souviens bien... je ne m'attendais pas à tomber sur toi ce soir. Je pensais même que vous étiez déjà mortes toi et... et ta sœur. Comment est-ce qu'elle s'appelle déjà ? Nina ? Natasha ?

— Natalia, reprit McKenzie, se retrouvant impuissante mentalement face à lui.»

 

     Bien que l'envie de le faire taire était plus forte que jamais, Kenzie n'arrivait plus à bouger. Et bien qu'elle ne l'écoutait pas et que son esprit était presque déconnecté, elle l'entendait parler encore et encore. Il ne faisait que balancer des choses inutiles. Il se ventait presque d'avoir été un traître, auprès de la famille Petrov. Et pourtant Kenzie ne bougeait pas. Elle se contentait de le fixer de son regard azur qui semblait être plus vide que le Néant. Elle se demandait alors quel genre de lâche elle était ? Ce type avait tué ses parents sous ses yeux, l'avait étranglé presque au point de la tuer et pourtant, elle n'arrivait pas à agir face à lui. Dans le fond, avait-elle simplement peur de se salir les mains, ou avait-elle peur de devenir comme lui, ou plutôt... comme ses parents ? Après cette dernière pensée qu'elle avait finit par rapidement écarter de sa tête, la jeune Petrov décida de se concentrer de nouveaux sur les paroles d'Henderson :

«—...quand j'y repense, j'aurai dû te tuer, toi et ta sœur en même temps que ta petite pute de mère et ton lâche de père, surenchérit Henderson. Au moins, le boulot aurait été correc...»

     Il n'avait même pas eu le temps de terminer sa phrase qu'un coup de feu venant du dos de McKenzie se fit entendre et résonna dans toute la propriété comme un écho. Et la trajectoire de la balle qui se finissait exactement dans le crâne d'Henderson, fit littéralement exploser sa cervelle, projetant son sang et des parcelles de son crane et de son cerveau sur la table, sur la jeune Kenzie et sur le dénommé N°0. Instinctivement, Mckenzie se retourna et elle vit Natalia, un fusil entre ses mains, qu'elle finit par baisser en même temps qu'elle poussa un soupir de soulagement. Un soulagement que notre McKenzie avait aussi partagé à ce moment, presque comme si c'était elle qui venait d'appuyer sur la gâchette.

« — Les filles, chargez-vous de nettoyer tout ce bazar et appelez N°1, il saura quoi faire du corps de ce traître, lança N°0 calmement, presque sur un ton nonchalant, tout en essuyant légèrement son costard.

— C'est comme si c'était fait, patron, dit une des filles tout en appelant ses acolytes d'un signe de la main

     Puis en entendant la voix de l'homme, c'était sans plus attendre que la brunette se retourna de nouveau pour faire face à N°0. Qu'allaient-elles faire de lui ? Ou plutôt qu'allait-il faire d'elles ? Si McKenzie et sa sœur devaient mourir durant cette soirée à cause de ce meurtre, ça aurait sans regrets qu'elles auraient accepté leur châtiment. Enfin, l'homme aux cheveux de jais fit signe à Natalia de s'approcher, celle-ci s'exécuta, avant de s'installer à côté de sa sœur, puis il reprit enfin la parole :

"— Vous savez, vous m'avez rendu un fier service en tuant ce cher d'Henderson, même si j'avais préféré que les choses se passent plus... proprement. C'était un traître et on dirait bien qu'il vous a causé du tort par le passé. dit-il avant de faire une pause. Je m'appelle Samuel Kalina et à partir d'aujourd'hui, toutes les deux, vous ne travaillez pas seulement pour moi, mais avec moi. Il y a bien une différence. Je ne vous en laisse pas le choix. Prenez ça comme un grand acte de gratitude et de générosité de ma part, pas tout le monde a cette chance."

Voilà que de fugitives, elles devinrent membres d'un cartel, et pas des moindres. Elles n'avaient pas la moindre idée de ce qu'était la suite, ni de ce qui avait réellement poussé ce M. Kalina à les prendre parmi ses troupes.  Et pourtant, elles n'avaient pas peur. Et à vrai dire, McKenzie avait vu là, une nouvelle et une belle opportunité.

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