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— J'ai écrit quelques mots pour… parler de mon père et de ma tante, aujourd'hui, dit-il en sortant une feuille de la poche intérieure de son costard noir qu'il déplia et posa sur le pupitre, avant de légèrement se racler la gorge. Je tenais à…

 

Commença-t-il à dire, en lisant ce qui était écrit sur cette feuille qu'il tenait appuyée contre le pupitre. En la survolant, Silas relut ce petit discours qu'il avait passé la nuit à écrire, avant de laisser s'échapper un rire amer, en écrabouillant cette feuille entre ses mains. C'était ridicule, il ne pensait pas un traître mot de ce qu'il avait pu écrire. Ça n'était pas lui, pas sa véritable pensée. Tout comme ces obsèques, ça n'était que des foutaises. Et ce, non seulement parce qu'il savait qu'Alec et Narcissa Davenport n'étaient pas morts en vérité, mais surtout parce qu'il considérait qu'il n’avait pas à être aussi faux que tous ces gens pitoyablement faux et hypocrites présents aux funérailles de personnes faussement mortes. Tout sonnait terriblement faux. Et puisque dans toute cette histoire au final, il n'y avait rien de vrai, il avait décidé de l'être, lui. Alors, sans réfléchir à ce qui allait sortir de sa bouche, ni même aux conséquences que ça aurait sur lui et sa réputation, il reprit la parole :

— Vous savez ce que j'allais dire ? J'allais  dire que mon père et ma tante

étaient des gens honnêtes et honorables... mais on sait tous que c'est complètement faux. Si aujourd'hui ils se retrouvent dans cette situation, c'est qu'il y a une raison ! s'exclama-t-il, sous les regards offusqués des invités. Mais je ne vais pas cracher sur le fait que mon père a été un excellent père pour moi et que ma tante a été une excellente mère pour mes cousines, parce qu'ils ont toujours voulu le meilleur pour nous et fait en sorte qu'on l'ait. Malgré toutes ces histoires de fraude et le reste, il restait énormément de bon, en eux... sachez que je défendrais toujours ce propos. Et, malgré tout ce que vous pouvez penser de ma famille et peut-être même de moi, c'est plus qu’une fierté, d'être un Davenport.

 

Il marqua un temps de silence, et analysa la salle un moment, en silence. Et c'était fou, il avait l'impression que sa vision avait changée, qu'il n'avait jamais vu aussi clair. Ses yeux noisette se posèrent sur de nombreux visages qui lui étaient familiers. Des visages, auxquels il vouait par le passé, une grande admiration, un grand respect. En plus de vouloir ressembler à son père, Silas avait toujours eu envie d'être également, une sorte de mélange de tous ces visages et toutes ces personnalités qu'il considérait tant, afin d'être leur égal et peut-être même plus encore. Mais en ce jour, ça n'était plus cas. Il n'éprouvait que mépris, dégoût et colère à l'égard de ces personnes hypocrites, fausses et opportunistes. Il n'était pas comme eux, même son père n'était pas comme eux.  Alors, il reprit la parole :


— Et ce qui est encore plus drôle, c'est que j'allais tous vous remercier d'être venus si nombreux, de nous apporter votre soutien à ma famille et moi, dit-il en ayant un sourire méprisant dessiné sur ses lèvres. Quoi, pourquoi vous me regardez comme ça ? Allez, avouez que c'est… tordant, ajouta-t-il avant de pousser un nouveau rire amer. Mais où étiez-vous, avant ? Avant, quand on pourrissait et traînait leur nom, notre nom, dans la boue ?  Vous n'êtes qu'une bande d’hypocrites. Vous tous ici, tous autant que vous êtes, il n'y en a pas un pour rattraper l'autre. Si ce n'est qu'une infime, presque inexistante minorité. Vous n'avez fait que les descendre et nier le fait qu'ils étaient vos amis, fait en sorte de retourner votre entourage et le monde qui vous entoure contre chacun d'entre nous. Vous n'avez fait que rompre vos contrats avec eux au plus vite... histoire d'être certains que vos noms ne soient pas associés à eux dans les médias. Et aujourd'hui ?! Maintenant que vous les savez morts, vous osez nous sourire, nous dire à quel point vous pouvez les regretter… à quel point vous êtes “désolés”, et nous présenter vos conneries de “sincères condoléances”, dit-il d’un air sidéré. Vous venez avec vos putains de paroles qui se veulent réconfortantes alors qu’on en n'a nullement besoin, et surtout pas de votre part, ajouta-t-il avec toujours plus de dédain.

 

En entendant ces dernières paroles, c'était offusquée que la foule présente fixait Silas, ahurie et incapable de le contredire. Alors qu'un, puis cinq, puis quinze puis une trentaine des invités s'apprêtaient à partir, se sentant pleinement visés, insultés et offensés par les propos du jeune Davenport, le brun reprit la parole :

 

— Mais non, restez ! Pourquoi vous partez si tôt, l'ambiance est si bonne ! Continuez à profiter du buffet et ce qu'on vous offre à boire, restez, ne vous gênez surtout pas, s'exclama-t-il, sur un ton faussement insistant rempli de sarcasme. ...C'est moi qui m'en vais.

 

Dit-il pour finir, en descendant de l'estrade, afin de rejoindre la sortie. C'était sans prêter attention aux appels de sa mère, Deva et Leandra que Silas monta dans sa voiture et se mit en direction de son immeuble. Une fois arrivé, il ne salua ni le gardien avec qui il avait l'habitude d'échanger, ni même ses voisins et locataires. Il n'avait qu'une envie : c'était de se retrouver seul. Arrivé au dernier étage de cette tour, il entra dans son vaste appartement, se dirigea vers la cuisine, sortit de ses placard une bouteille de bourbon ainsi qu'un verre adapté, avant de traîner son fauteuil jusqu'à la baie vitrée qui lui offrait l'une des meilleures vues sur la ville de Seattle. C'était sans attendre que Silas ouvrit sa bouteille et versa un peu de son contenu dans son verre, qu'il vida instantanément. A quoi bon garder ce verre, puisqu'il allait vider la bouteille ? A cette pensée, le bras battant hors du fauteuil, il laissa s'écraser le verre qu'il tenait contre le sol, avant de boire directement au goulot. Il avait la sensation que cet alcool à 45° lui cramait littéralement la gorge, mais ça n'était rien, comparé au feu dévastateur et impérissable qui brûlait tout entier en lui. Il buvait et regardait la ville, d'un air sobre, en pensant à ce qu'il allait faire, désormais. Après cela, comment il allait s'y prendre, pour atteindre son objectif ? Il n'avait qu'une seule volonté : reconstruire l'honneur des Davenport en reprenant les affaires familiale, et ce honnêtement et en toute légalité. Il venait sans doutes de se mettre à dos la majorité des plus grands noms de Seattle et des gros ex-investisseurs de Davenhome et d'Effiyis Architecture, rendant ainsi la tâche plus compliquée. Mais ça n'allait pas l'arrêter. Rien n'allait l'arrêter. Pour son père et sa tante, pour ses cousines,  pour sa mère et pour lui, il allait rétablir le nom des Davenport, lui redonner sa valeur. Peut-être que cela prendra des années et même le restant de sa vie. Deva n'avait pas hésité une seconde à lui transmettre ses parts de Davenhome, faisant de lui plus qu'un actionnaire majoritaire, mais bien le seul et unique patron de la boîte. Tout était désormais entre ses mains.

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