« Un héritage bientôt
dilapidé »
— “En effet, la belle-fille de Cole Stephenson, Deva Davenport, semble s’épanouir depuis la désertion du maire de Seattle, suivi des morts prématurées de sa mère (Narcissa Davenport) et son oncle (Alec Davenport), également accusés de fraude et détournements de fonds. Voyages, vêtements et cosmétiques hors de prix, découvrez la vie d'excès de Deva. [...] Si la perte d'un parent est considérée comme un véritable fléau pour la majorité des gens, pour Deva Davenport, il semble que ces tragédies et ces scandales à répétition soient une véritable aubaine.”
Ridicule. Elle avait toujours mené une vie de luxe. Ce magazine à la réputation à peine naissante tentait réellement se faire plus connaître en essayant de la blâmer de cette manière ? Malgré le fait qu’elle était seule dans cette pièce face à cet article, Deva ne put s’empêcher de rire aux éclats au moment où elle avait fini de le lire à haute voix. Un rire qui sonnait malgré tout, terriblement faux et amer.
— Passez à autre chose, merde ! Allez vraiment tous vous faire voir...
Dit-elle avec amertume en jetant le magazine dans les flammes de la cheminée, avant d'éclater en sanglots. Depuis les scandales, de nombreux articles tous plus dégradants, blessants et insultants les uns que les autres étaient sortis à son sujet et celui de sa famille. Elle s’était habituée aux critiques, aux attaques, se faire
insulter que ce soit sur internet, ou dans n’importe quel médias et même en vrai, en se faisant harceler par des journalistes ou des personnes qui semblaient être mécontentes des agissements frauduleux et illégaux de ses aînés. Elle avait toujours essayé de passer outre, en considérant qu’ils étaient des gens de mauvaise foi et incroyablement bêtes. Cependant, tout ceci l'avait consumée petit à petit et l’avait poussée à faire des choses qu’elle avait fini par regretter amèrement. Mais encore jamais, lire ce qui était écrit dans un de ces chiffons ne lui avait fait se sentir aussi triste. C’était donc ça, l'image qu’elle renvoyait d’elle, deux ans après les faits ? Alors que petit à petit, elle montait ce projet qui lui tenait tant à cœur ; qu’elle montrait au monde une autre facette d’elle, ce qu’elle était réellement, au-delà de tout ce que les médias avaient pu montrer, c’était donc ça qu’on finissait par penser ? C’était comme ça qu’on la voyait ? Comme une profiteuse sans morale, se réjouissant du malheur qui proliférait autour d'elle, pour en tirer le meilleur ? Elle n'était pas comme ça, elle ne l'avait jamais été. Elle n’arrivait toujours pas à comprendre pourquoi est-ce qu’on l’associait encore et toujours aux erreurs qu’avaient pu faire son beau-père, sa mère et son oncle. Ça la frustrait et la blasait. Ça la frustrait tellement qu’elle en sentait son corps entier trembler, son cuir chevelu, ses bras, son dos, son corps la démanger… Ça la blasait tellement qu'elle sentait venir l'envie d'un bon coup de boost. Des sensations qui lui étaient si dangereusement familières, qu’elle n’avait plus réellement ressenti depuis presque un an. De ses mains tremblantes, elle essuya ses larmes. C’était sans doutes l'article de trop. Depuis que Silas l'avait découverte, elle s'était promise de ne plus y toucher, elle ne voulait plus faire de nouveau face à son regard rempli d'inquiétude et de colère. Pas une seconde fois. Elle se l’était également promis à elle-même, durant sa thérapie. Pas seulement pour elle, surtout pour sa mère qui elle, serait terriblement déçue de la voir si... vulnérable. Mais il fallait qu’elle l’ait. Il lui fallait sa dose. Elle n'allait pas en abuser… juste une ligne… une dernière. Ce fut alors qu'elle se leva précipitamment et se dirigea vers la table basse où était déposé son sac à main. Elle en sortit frénétiquement son téléphone portable et chercha dans ses contacts un fameux “Mitch”. Une fois qu'elle l'eût trouvé, c'était sans se poser de questions que Deva l'appela. Après quelques secondes d'attente, enfin, on décrocha.
— Deva Davenport… Ça fait une éternité ! lança Mitch, d'un air enjoué de l'autre bout du fil.
Voyant qu'elle ne répondait pas, il poursuivit.
— Ca sera comme tu avais l'habitude de prendre ? Je présume que tu es toujours aussi gourmande, depuis le temps !
Aucune réponse.
—...Hé, t'es là ou pas ?!
C'était sans répondre que Deva raccrocha précipitamment, avant de se rendre tout aussi précipitamment dans l’application des contacts, retirer ce dealer de sa liste et par la même occasion, effacer son historique d’appels. Enfin elle déposa son téléphone sur la table basse et soupira, tout en agrippant son cuir chevelu. Qu'était-elle sur le point de faire ? Non, elle n’allait plus y retoucher. Plus jamais. Comment s'en était-elle retrouvé là ? Elle-même avait oublié. Ces folles histoires avaient commencées il y avait longtemps. Trop longtemps.
Alors, pour se redonner un peu de courage, elle se remémora cette lettre que lui avait laissé sa mère. Elle l'avait lue tellement de fois qu'elle la connaissait presque par cœur. "Le feu des Davenport t'anime, Deva, ne doute jamais de cela". Elle allait lui prouver qu'elle ne s'était pas trompée et qu'elle avait eu raison de
lui faire confiance. Elle n'avait alors plus le temps ni le droit de s'apitoyer, pleurer, ni jouer la pauvre victime. Elle se devait de mener ses projets à bien, elle allait montrer véritablement au monde qui elle était et ce dont elle était capable. Oui, elle allait réussir à se créer une nouvelle histoire, à créer une nouvelle histoire à son nom. Elle rétablira la réputation de sa famille pour sa sœur, Silas, sa mère, son oncle et enfin pour elle. Rien ne pourrait l'en empêcher : que ce soit ses vieux démons ou ses autres détracteurs. Et surtout : elle allait ardemment prendre sa vengeance sur chacune des personnes sur sa liste, c'était une certitude. Elle n'était plus l'ombre d'elle-même, la simple vapeur d'un incendie éteint. C'était comme si son sang était devenu une coulée de lave et son âme un incendie impérissable. Invincible. Oui, pour remplir son objectif, elle se devait de l'être.