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Deux ans après la mort de son père, Tariq se rendit à la prison des Baumettes, afin de rendre visite à Marc, jugé deux semaines auparavant. La fusillade avait poussé la police à mener l'enquête, une enquête qui montra que Morad El-Kassimi n'était pas qu'un simple baron de l'immobilier. Mais bien un baron de la drogue et du trafic d'armes. Il était l'une des causes pour lesquelles la délinquance ne faisait qu'empirer dans la cité phocéenne. Et pour les forces de l'ordre, sa mort était à la fois une bonne nouvelle, comme une mauvaise, car il était clair que dans l'ombre, quelqu'un se battait sûrement pour devenir le nouvel El-Kassimi. Et Marc, comme de nombreux autres hommes de Morad, avaient fini par être arrêtés et emprisonnés. Ils avaient pensé à le faire évader, mais Marc pensait à sa femme et ses enfants, qui eux, ne pourraient jamais avoir l'esprit et la vie tranquille s'il prenait cette lourde décision. Tariq quant à lui, n'était nullement impliqué dans toute cette enquête. Il avait d'ailleurs tenté de reprendre le cours de sa vie, et avait commencé des études de droit, et obtenu ses deux premières année en étant major de sa promotion. Il fallait qu'il réussisse. Il le devait pour lui, mais il le devait aussi pour Hayat et Morad, ses parents. Cependant, il n'allait pas laisser le meurtre de son père impuni. Son corps, son âme, la haine qu'il ressentait en lui lui disaient de le faire. Même si cela bafouerait les lois sacrées d'Allah, qu'il continuait tout de même à prier. Et pour cela, Marc, avant de se faire attraper par les forces de l'ordre, avait continué le travail qu'avait à peine commencé Morad, en l'initiant un peu plus au monde du crime. C'était pour cela que Tariq l'attendait, nerveux, au parloir.

Lorsque Marc arriva enfin au parloir, et qu'il constata qu'il était en pleine forme, c'était soulagé que Tariq le salua, tout en gardant ses distances, comme il l'était convenu par les règles du milieu carcéral. Ils s'installèrent et commencèrent par s'échanger des banalités. Cependant, la discussion finit par prendre un tout autre tournant. Le ton de leurs voix se fit plus bas. Voilà qu'était venu le moment d'aborder le lourd sujet :

— Dis-moi, petit... Quelles pistes tu as, demanda Marc, ayant un air légèrement grave marqué sur le viasge.

— Londres. Je compte y aller l'année prochaine, répondit Tariq calmement.

— Londres, répéta  Marc ? Et les  cours ? Ton père  n'aurait pas  aimé te voir mettre  tout ça de  côté, même si  la

situation est délicate. Je peux te donner le nom de quelqu'un qui pourrait facilement se déplacer là-bas. Et c'est vrai qu'avec ce qu'on sait, ça peut être une très bonne piste.

— Non, répondit Tariq, je veux m'occuper de tout ça personnellement. Et pour les cours, ajouta-t'il… ne t'en fais pas. J'irai à Cambridge, c'est pas si loin de Londres. J'attends encore leur réponse, mais je serai accepté.

— Cambridge ? La grande classe ! Quand tu reviendras, tu m'apprendras à boire le thé comme le font les bourges anglais !

— Non, tu sais qu'il n'y a qu'une seule vraie manière de boire le thé et c'est celle de chez nous, dit-il en secouant négativement la tête en ayant un sourire dessiné sur les lèvres. C'est moi qui leur apprendrai comment faire !

— C'est exactement ce qu'aurait dit ton père ! s'exclama Marc, dans un rire sincère

— ...Je sais que mon père avait aussi des relations à Londres, ajouta Tariq plus sérieusement. Tout ce que je veux, c'est les contacts.

— Je vais te donner une adresse. Là-bas, tu demanderas à voir un gars qui s'appelle Omar. Il t'aidera. Maintenant que je suis enfermé et que nous ne serons bientôt plus dans le même pays, il faudra que tu saches gérer les choses seul et surtout, il faudra que tu t'entoures des bonnes personnes. Je te donne ce premier contact, à toi de t'occuper du reste. Mais fais très attention à toi, petit.

En dehors de sa vengeance, Tariq s'était promis une chose : faire sortir Marc de prison si aucun de ces autres avocats ne pouvaient le faire. Et cinq ans après son incarcération, et un an après que Tariq avait passé son barreau avec un franc succès, voilà qu'ils se retrouvaient tous dans cette maison haut perchée, avec Marc, la famille de celui-ci et Nafissa et ses enfants. Tous étaient heureux et passaient un excellent moment. La propriété revoyait là des moments qu'elle n'avait plus vu depuis presque huit ans maintenant : des rires, de la joie et de la chaleur. Cependant, Tariq savait qu'il n'avait pas fini. Il pourrait se contenter de mener une petite vie tranquille, autour de ces gens qu'il considérait depuis des années déjà comme sa famille, construire la sienne et se consacrer uniquement à la carrière de brillant avocat qui s'offrait à lui. Mais il ne pouvait pas s'en contenter. Il avait vingt-quatre ans désormais, mais sa rage de vaincre était toujours présente. Et bien plus intense qu'à ses dix-sept ans. Il voulait reconstruire tout ce que son père avait bâti et plus encore. Il savait qu'il faudrait qu'il s'allie avec les bonnes personnes. Des personnes fidèles et dignes de confiance comme l'était Marc. Mais il savait que pour l'ancien bras droit de son père, il était venu le moment de s'en aller à la retraite, lui qui était si heureux de retrouver sa famille et de pouvoir enfin prendre dans ses bras, autant de fois qu'il le voulait, sa petite fille maintenant âgée d'un an. Alors, Tariq savait qu'il était venu le temps pour lui de se créer son propre chemin. Il avait par ailleurs, réussi à se faire quelques connaissances à Cambridge et à Londres, qui lui permettraient sans doutes d'avoir des connexions dans le monde. Voilà que pour Tariq comme pour Marc, débutait un nouveau grand chapitre de leurs vies respectives, bien que cette fois-ci, ils étaient amenés à prendre des chemins différents.

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